Portrait du pianiste Serge Rachmaninoff
Mes chers lecteurs, ce mois-ci nous allons aborder ensemble certainement l’un des plus illustres pianistes compositeurs russes Serguei Rachmaninov, plus communément appelé Serge Rachmaninoff (faute de difficulté de prononciation à l’encontre de son nom, il privilégiera une écriture française).
Serge Rachmaninoff est un pianiste romantique héritier de ses modèles, Frédéric Chopin ou encore Tchaikovsky.
Nous découvrirons ensemble l’univers bien singulier de celui-ci, sa virtuosité, son parcours, ses amis, et sa poésie.
Les débuts du jeune Serge
Serge Rachmaninoff est né en 1873 à Semionovo dans l’ouest de la Russie et meurt en 1943 à Beverly Hills aux Etats-Unis.
Le père de Serge (Vassili Arkadievitch Rachmaninov) est officier dans l’armée, sa mère (Lyubov Petrovna) est la fille d’un général. Serge est destiné à intégrer la prestigieuse garde impériale des officiers “Corps des Pages”, mais des difficultés financières l’emmèneront ailleurs.
La famille Rachmaninoff emménage à Saint-Petersbourg mais ses parents se séparent et le jeune Serge va vivre avec sa mère.
Serge commencera le piano à l’âge de quatre ans avec Anna Ornazkaia, une jeune diplômée du collège russe de musique.
Formation musicale
En 1882, le jeune pianiste entre au conservatoire de Saint-Petersbourg où il suit des cours de piano.
Il est formé de douze à seize ans par Nikolai Zverev, professeur de renom, réputé pour son extrême rigueur ; celui-ci fut par ailleurs un ami proche de Tchaikovsky.
Nikolai Zverev prend chez lui les élèves les plus prometteurs de sa classe au conservatoire.
Ils seront logés, nourris et soumis à une discipline draconienne et un travail très poussé.
Ce professeur tient à donner à ses élèves une grande ouverture culturelle et musicale. Il invitera de grands musiciens de passage à venir écouter ses jeunes étudiants prodiges.
Le théâtre, la littérature, les opéras sont des activités indispensables au bon déroulement intellectuel de tous pianistes qui souhaiteraient faire carrière.
Je pense fortement que dans chaque grand pianiste se cache un grand savoir.
Tout comme ses prédécesseurs romantiques, Rachmaninoff reste un féru de littérature, tout principalement l’écriture russe. Si, adolescent, il se plonge dans la lecture de Victor Hugo en vue d’une adaptation de Notre-Dame de paris, les prémisses de son projet ne donneront pas suite.
La rencontre avec l’une des plus grandes plumes slaves, Léon Tolstoi, se révèlera une véritable catastrophe.
L’écrivain à même eu l’audace de lui dire sans aucune retenue :
« Je déteste votre musique ».
Rachmaninoff est un artiste très tourmenté et très sensible ; chaque rejet de la part de ses contemporains lui sera difficilement supportable.
Je tiens à mentionner que la littérature joue un rôle indispensable pour certains compositeurs, la littérature est très proche de la musique. Claude Debussy, un amoureux de la poésie, a même fait des adaptations musicales des figures de style de Baudelaire comme par exemple les apostrophes, les métaphores, les antithèses ; la poésie a été merveilleusement mise en musique.
Je pense tout de suite aux cantates de Maurice Ravel qui n’ont pas connu la gloire au fameux concours de Rome mais qui ont tout de même émerveillé Saint-Saens…
Pour information, les cantates sont des poésies mises en musique.
Après deux ans avec son professeur, il obtiendra le diplôme du premier de degré du conservatoire.
Je tiens à mentionner ce paradoxe car Rachmaninoff était un étudiant très paresseux, le jeune Serge a même frôlé le renvoi en 1885.
Par la suite, il étudiera l’harmonie, la théorie musicale, la fugue, la composition, le contrepoint.
Rachmaninoff deviendra un fidèle de la Maison de Zverev, tout comme de nombreux autres musiciens de talent.
Serge jouera devant Tchaikovsky qui sera subjugué par son jeu ainsi que par ses prouesses techniques pianistiques.
Le musicien compositeur
En 1889, le jeune prodige s’installe chez ses cousines à Ivanovka où il y trouve un vrai foyer.
Sa cousine Natalia deviendra plus tard son épouse.
Il obtiendra son diplôme du conservatoire en 1891.
Par la suite, il composera son prélude en do dièse mineur, ainsi qu’un opéra en un acte, pour lequel il obtiendra un prix de composition en 1892.
Cet opéra aux influences incontestables de La Dame De Pique de Tchaikovsky sera salué sans modération par le milieu musical de l’époque.
Rachmaninov a vingt ans, il commence une carrière de virtuose et de compositeur ; il écrit son Concerto numéro un, le succès sera fortement au rendez-vous.
Alerte plagiat
Je souhaiterais mettre en avant le manque de créativité des compositeurs actuels.
Je pense immédiatement au morceau de variété internationale « All By Myself » interprété par Celine Dion, qui a certainement généré des centaines de millions de dollars à travers la planète, grâce au second mouvement du concerto numéro deux de Rachmaninoff.
Après tout, pourquoi s’embêter à composer de l’art mineur, quand on peut reproduire les phrases des grands génies.
Quelle tristesse quand même !
Je vous invite fortement à le découvrir.
Le pianiste Virtuose
Rachmaninoff est réputé pour sa virtuosité transcendante ; selon les témoignages, il avait un taux d’erreurs exceptionnellement bas.
Rachmaninoff tout comme Liszt a de très grandes mains (voir gigantesques) ; selon les dires, il pouvait jouer des intervalles de onzième sans trop de difficulté.
Rachmaninoff n’est pas une compositeur précurseur ni avant-gardiste, il suivra le mouvement romantique mais sa palette sonore fera toute son authenticité.
Rachmaninoff est également mis en avant sur sa précision pianistique ; là où les autres pianistes masquent leurs imperfections et leurs instabilités par l’utilisation intempestive de la pédale, Rachmaninoff a un jeu très propre tout comme son ami Horowitz.
Rachmaninoff a également des prédispositions intellectuelles remarquables, une mémoire quasi sur-humaine : il peut retrouver à l’oreille une oeuvre entendue seulement une fois.
Tout comme son ami Horowitz, Rachmaninoff a un répertoire très riche, il peut rejouer des oeuvres délaissées durant des années sans aucun soucis de mémoire.
D’après les témoignages, il lui aurait fallu seulement deux journées pour mémoriser les variations et fugues de Brahms.
Les oeuvres de Rachmaninoff
– musique orchestrale
Symphonie en ré mineur, 1er mouvement (dite « Jeunesse »)
Scherzo en ré mineur
Le prince Rostislav poème symphonique
Le rocher op. 7, poème symphonique
Deux épisodes de Don Juan, perdu
Caprice bohémien, op. 12 sur des thèmes bohémiens (
symphonie en ré mineur op. 13
Symphonie n°2 en mi mineur op. 27
L’ile des morts op. 29, poème symphonique
Symphonie n°3 en la mineur op. 44
Danse symphonique op. 45a (version pour deux pianos op. 45b)
– musique concertante
Concerto pour piano en ut mineur, esquisses
Concerto pour piano °1 en fa dièse mineur op. 1
Concerto pour piano n°2 en ré mineur op. 18
Concerto pour piano N°3 en ré mineur op. 30
Concerto pour piano n°4 en sol mineur op.
Rapsody sur le thème de paganini op. 43
– Musique de chambre
Quator à cordes n°1
Romance pour violon et piano, Danse hongroise pour violon et piano op. 6
Lied (Romance) pour violoncelle et piano
Trio élégiaque n°1 en sol mineur pour piano, violon et violoncelle
Deux Pièces, op. 2 : Prélude et Danse orientale, pour violoncelle et piano
Deux Pièces, op. 6 : Romance et Danse hongroise, pour violon et piano
Trio élégiaque n°2 en ré mineur, op. 9
Sonate pour violoncelle piano en sol mineur op. 19
– pour piano seul
Étude en fa dièse majeur,
Lento en ré mineur
Quatre pièces,
Trois nocturnes,
Canon en ré mineur
Fugue en ré mineur
Prélude en do dièse mineur
Morceaux de fantaisies op. 3
Morceaux de salon op. 10,
Moments musicaux op. 16
Quatre improvisations avec Arensky, Glazounov et Taneïev (
Morceau de Fantaisie en sol mineur
Fughetta en fa majeur
Variation sur un thème de Chopin op. 22
Préludes op. 23
Sonate pour piano n°1 op. 28
Préludes op. 32
Etudes-tableaux op. 33
Sonate pour piano n°2 op. 36
Etudes-tableaux op. 39
Trois pièces (Oriental Sketch, Pièce en ré mineur et Fragments),
Deux pièces : Valse, Romance, 6 mains
Rhapsodie russe pour deux pianos
Romance pour piano à 4 mains
Suite n°1 op. 5, pour deux pianos
6 Morceaux pour piano à 4 mains, Barcarolle, Scherzo, Thème Russe, Valse, Romance, Slava op. 11
Polka italienne pour piano à 4 mains
– Musique Chorale
Deus Meus, motet à 6 voix mixtes
En Prière devant la Vierge qui veille, concert spirituel à 3 voix mixtes
Chœur des esprits pour Don Juan, texte de A. K. Tolstoï, pour chœur mixte a cappella,
6 Chœurs pour voix de femmes ou d’enfants avec piano, op. 15
Panteleï le Guérisseur (Panteleley the healer) pour chœur mixte a cappella,
Printemps, op. 20, cantate pour baryton, chœur et orchestre sur un poème de Nekrassov
Les Cloches (Kolokola), op. 35
Les vêpres la Grande Louange du soir et du matin), op. 37, pour chœur a cappella,
Trois chansons russes op. 41, pour chœur et orchestre
– Les opéras
Esmeralda, d’après Victor Hugo
Boris Godounov, d’après Pouchkine
Mascarade, d’après Lermontov
Aleko livret deVladimir Nemirovitch-Dantcheko d’après Pouchkine
Le chevalier avare op. 24, opéra en 3 scènes sur un texte de Pouchkine
Francesca da Rimini op. 25, opéra en un prologue, deux scènes et un épilogue
Salammbô, projet non achevé
Monna Vanna, livret de Mikhaïl Slonov d’après Maurice Maeterlinck inachevé : manuscrit piano-chant
– Les transcriptions de Rachmaninoff
Tchaikovsky : Manfred op. 58, piano 4 mains (œuvre perdu)
Tchaikovsky : La Belle au bois dormant, piano 4 mains
Glazounov: Sixième symphonie op 58 pour 2 pianos
Franz Behr : Lachtäubchen-Scherzpolka / Polka « La rieuse ».
Kreisler : Liebesleid , piano
Tchaikovsky : Berceuse, op. 16 no 1, piano
Bizet : Menuet de L’arlésienne piano
Moussorgski : Hopak tiré de La Foire de Sorotchintzy, piano
Schubert : extrait de la Belle Meunière (die schöne Müllerin), piano
Moussorgski : Hopak tiré de La Foire de Sorotchintzy, violon et piano
Rimsky-Korsakov : Vol du bourdon piano
Bach : 3 ème partita pour violon seul
Mendelssohn : Scherzo tiré du Songe d’une nuit d’été, pianoT
– Œuvres pour piano
Quatre Morceaux pour Piano (1887)[
Romance, Prélude, Mélodie et Gavotte Publiés par Muzgig en 1948.
Trois Nocturnes (1887-1888)
Nocturne en fa dièse mineur daté de novembre 1887.
Nocturne en fa dièse majeur daté de novembre et décembre 1887.
Nocturne en do mineur – mi bémol majeur daté de décembre 1887 et janvier 1888.
Canon en ré mineur (1890)
Prélude en fa majeur (1891)
Daté du 20 juillet 1891 à Ivanovka, publié par Muzgig en 1948. Rachmaninov en fit un arrangement pour violoncelle et piano en 1892 .
Deux pièces pour piano, 6 mains (1890-1891)
Deux pièces : une Valse, une Romance.
Morceau de fantaisie en sol mineur (1899)
Daté du 11 janvier 1899.
Fugue en ré mineur (1891)
La Fugue en ré mineur fait partie des travaux demandés par le professeur d’harmonie, et de contrepoint de Rachmaninov.
Fuguette pour piano en fa majeur (1899)
Datée du 4 février 1899 à Moscou. Publiée par Muzgig en 1950.
Trois pièces (1917)
Après les neuf Etudes-tableaux op 39 , Rachmaninov composa trois pièces en 1917 .
Portrait Oriental (Oriental Sketch) : Pièce en si bémol majeur que Rachmaninov enregistra ; Oriental Sketch n’a rien à voir avec l’Orient, le titre ayant été rajouté par l’éditeur, Charles Foley (1938). Datée du 14 novembre 1917 à Moscou, Rachmaninov en fit la création le 12 novembre 1931 à l’école Juilliard à New-York.
Prélude en ré mineur : Une pièce sombre qui manifeste le mécontentement de Rachmaninov face à la révolution d’Octobre. Daté du 14 novembre 1917, la première publication date de 1973.
Fragments : Cette pièce brève montre la nostalgie des derniers jours du compositeur à Moscou. Datée du 15 novembre 1917, elle fut publiée par le magazine The Etude en 1919.
La dépression de Serge Rachmaninoff
C’est en 1897 que Serge Rachmaninoff présentera sa première symphonie opus 13.
Elle sera dirigée par un Glazounov visiblement ivre, l’œuvre sera un échec total.
Serge Rachmaninov sombrera dans une dépression ; il ne reverra la lumière que quatre ans plus tard grâce au traitement du médecin neurologue et hypnotiseur Nicolas Dahl, mais également à la sortie de son deuxième concerto opus 18 pour piano qui sera un véritable succès.
Il écrira par la suite une sonate pour piano violoncelle, et épousera comme mentionné précédemment sa cousine Natalia, très bonne pianiste elle aussi.
Ils auront deux filles Irina et Tatiana, qui seront à leur tour musiciennes.
Rachmaninoff en Russie
Rachmaninoff vivra ses plus belles années en Russie au début du XXème siècle. Reconnu par le milieu musical à l’apogée de son art, il vivra très aisément pendant ces quinze années. Il se rendra chaque été dans la propriété des Satines près de Moscou, où il composera et se reposera.
Cette façon de vivre est très proche de celle de Frédéric Chopin qui lui se rendait chaque été à la maison de George Sand à Nohant.
Il dirigera de 1904 à 1906 les représentations du théâtre du Bolchoi.
Il composera sa symphonie n°2 et un opéra Monna Vanna.
A trente-six ans, il entame une tournée aux Etats-Unis, où il obtiendra un énorme succès, grâce entre autre à son troisième concerto opus 30.
La première guerre mondiale met fin à cette période heureuse de sa vie.
Il perdra son ami Scriabine, la guerre est un immense carnage, un désastre pour son pays.
L’exil de Rachmaninoff
La révolution force le compositeur à quitter sa terre natale en 1917.
Il écrira son prélude op posthume en 1917, avec des couleurs toutes particulières empreintes de nostalgie et de sombres souvenirs.
Par la suite, il entamera une carrière de concertiste à temps plein, il travaillera ardemment son instrument, tout principalement la technicité et se constituera un répertoire au détriment de la composition.
La créativité ne le quittera pas malgré tout, car il composera la célèbre rhapsodie sur le thème de Paganini opus 43.
Sa vie de concertiste lui assurera une vie musicale épanouissante et une vie matérielle très confortable.
L’amitié d’une vie
Deux grands musiciens au service d’un seul art.
Serge Rachmaninoff fera la connaissance de Vladimir Horowitz le 8 janvier 1928, une rencontre mise en oeuvre par la maison Steinway and Sons, quatre jours avant un concert d’Horowitz jouant le concerto de Tchaikovsky au Carnegie Hall.
Trois jours plus tôt, Horowitz jouait le troisième concerto de Serge ; celui-ci trouva la prestation de son futur grand ami éblouissante, exceptionnelle.
Il mentionnera par la suite :
« Monsieur Horowitz joue très bien mon concerto ; j’aimerai l’accompagner »
Horowitz en grand admirateur de celui-ci répondra :
« Il était comme le dieu de mon enfance »
Pour Rachmaninoff, cette merveilleuse rencontre est également très enrichissante car il considère Horowitz comme le pianiste qui aurait le mieux compris l’âme de sa musique.
Rachmaninoff avait pour habitude de dire que Vladimir Horowitz jouait mieux ses pièces pianistiques que lui-même. C’est une relation artistique fusionnelle, fraternelle.
Je tiens à préciser que Horowitz était beaucoup plus jeune que Serge.
Les deux génies seront très proches jusqu’à la mort de Serge. Les deux hommes s’admirent incontestablement et suivent sans cesse le travail de l’autre.
Voici une petite histoire comme nous les aimons :
Rachmaninoff offre son avis à Horowitz, en le complimentant sans modération, et en l’invitant à diner pour discuter de son interprétation de Tchaikovsky, que Rachmaninoff trouve légèrement trop rapide.
Horowitz ne sera jamais d’accord avec celui-ci, et il gardera ce tempo pour toujours.
Horowitz revendiquera toujours jouer à sa manière depuis son enfance, même en présence du Grand Rachmaninoff.
Rachmaninoff et la Villa de Sénar
Serge Rachmaninoff voyage par obligation. Fatigué par le rythme que lui impose sa discipline de concertiste, saturé de concert, il décide de revenir en Europe et se fait construire en Suisse une maison dans la région du lac des quatre Cantons qu’il appellera Sénar.
La mort de Serge Rachmaninoff
La seconde guerre mondiale qui le surprend aux États-Unis l’empêchera de retourner en Europe ; il ne reverra plus jamais sa fille Tatiana qui vit en France.
Il composera sa dernière pièce, les Danses symphoniques.
Il achètera une maison à Beverly Hills et obtiendra la nationalité américaine.
En 1943, Rachmaninoff sera emporté d’un foudroyant cancer du poumon à l’âge de soixante-neuf ans.
Merci à tous mes lecteurs.
Bien musicalement
Anthony